Falk
Le remorqueur blanc fonçait à toute vapeur vers le milieu de la rivière. Les pales rouges de ses hélices tournant à une rapidité folle transformaient le plan d'eau tout entier en monceaux d'écume. La Diane se balançait , aussi élégante qu'une vieille grange, et courait après son ravisseur. A travers l'écran de fumée déchiqueté qui filait sur l'eau, j'aperçus les larges épaules immobiles de Falk sous un chapeau blanc grand comme une roue de charrette, son visage coloré , ses yeux jaunes au regard fixe, sa longue barbe. Au lieu de surveiller ce qui se passait devant lui, il tournait délibérément le dos à la rivière pour regarder le bateau qu'il tirait. Le gros et lourd bâtiment , qui n'avait de sa vie été traité de la sorte, avait l'air complètement désemparé; il vira comme un fou sur son gouvernail et pendant quelques secondes se dirigea droit sur nous, menaçant et maladroit, tel une montagne en fuite. Il souleva une gerbe d'eau jaillissante, écumante, sifflante, presque jusqu'en haut de sa poupe carrée; mon équipage émit à l'unisson un énorme hurlement, et nous retîmes notre souffle. Le désastre était imminent. Mais Falk tenait la Diane. Il la tenait à sa merci.
" Il n'esr guère de lecteurs aujourd'hui qui ne se laissent empoigner par un récit alliant une telle simplicité de ligne à une sorte de douloureuse force intérieure. " Sylvère Monod
traduit de l'anglais par Odette Lamolle
Postface de Sylvère Monod