Face à Gaïa

Bruno Latour

Face à Gaïa
400 pages
Popularité
Popularité du livre : faible
Notes
Note globale
★★★★★
★★★★★
3.88
Note personnelle
★★★★★
★★★★★
0

Jusque-ici, en cas de conflit, on pouvait invoquer la Nature (et la Science) : c’était l’arbitre ultime de nos querelles humaines. La Nature constituait l’arrière-plan de nos actions. Elle obéissait à des lois mais ne se mêlait pas de nos histoires.

Or, à cause des effets imprévus de l’histoire humaine, ce que nous regroupions sous le nom de Nature quitte l’arrière-plan et monte sur scène. L’air, les océans, les glaciers, le climat, les sols, tout ce que nous avons rendu instable, interagit avec nous. Nous sommes entrés dans la géohistoire. C’est l’époque de l’Anthropocène. Avec le risque d’une guerre de tous contre tous.

L’ancienne Nature disparaît et laisse la place à un être dont il est difficile de prévoir les manifestations. Cet être, loin d’être stable et rassurant, semble constitué d’un ensemble de boucles de rétroactions en perpétuel bouleversement. Gaïa est le nom qui lui convient le mieux.

En explorant les mille figures de Gaïa, on peut déplier rétrospectivement tout ce que la notion de Nature avait confondu : une éthique, une politique, une étrange conception des sciences et, surtout, une économie et même une théologie. Finalement la Nature était très peu terrestre. Gaïa, c’est le nom du retour sur Terre de tout ce que nous avions un peu rapidement envoyé off shore.

Alors que les Modernes regardaient en l’air, les Terriens regardent en bas. Les Modernes formaient un peuple sans territoire, les Terriens recherchent sur quel sol poser leurs pieds. Ils reviennent sur une Terre dont ils acceptent enfin d’explorer les limites ; ils se définissent politiquement comme ceux qui se préparent à regarder Gaïa de face.

Introduction 8

Première conférence : Sur l’instabilité de la (notion de) nature 13

Une mutation du rapport au monde — Quatre façons d’être rendus fous par l’écologie — L’instabilité du rapport nature/culture — L’invocation de la nature humaine — Le recours au « monde naturel » — D’un grand service rendu par la pseudo-controverse sur le climat — « Allez dire à vos maîtres que les scientifiques sont sur le sentier de la guerre ! » — Où l’on cherche à passer de la « nature » au monde — Comment faire face — 13

Deuxième conférence : Comment ne pas (dés)animer la nature 45

Des « vérités qui dérangent » — Décrire pour alerter — Où l’on se concentre sur les puissances d’agir — De la difficulté de distinguer les humains et les non-humains — « Et pourtant elle s’émeut » — Une nouvelle mouture du droit naturel — Sur une fâcheuse tendance à confondre cause et création — Vers une nature qui ne serait plus une religion ? 45

Troisième conférence : Gaïa, figure (enfin profane) de la nature 78

Galilée, Lovelock : deux découvertes symétriques — Gaïa, un nom mythique bien périlleux pour une théorie scientifique — Un parallèle avec les microbes de Pasteur — Lovelock, lui aussi, fait pulluler les micro-acteurs — Comment éviter l’idée de système ? — Les organismes font leur environnement, ils ne s’y adaptent pas — Sur une légère complication du Darwinisme — L’espace, fils de l’histoire — 8

Quatrième conférence : l’Anthropocène et la destruction (de l’image) du Globe 112

— L’Anthropocène : une innovation Mente et Malleo — Un terme discutable pour une époque incertaine — L’occasion idéale de désagréger les figures de l’Homme et de la Nature — Sloterdijk ou l’origine théologique de l’image de la Sphère — La confusion de la Science et du Globe — Tyrrell contre Lovelock — Les boucles de rétroaction ne dessinent pas un Globe — Enfin, un autre principe de composition — Mélancholia ou la fin du Globe — 112

Cinquième conférence : Comment convoquer les différents peuples (de la nature) ? 146

— Deux Léviathans, deux cosmologies — Comment éviter la guerre des dieux — Une projet diplomatique périlleux — L’impossible convocation d’un « peuple de la Nature » — Comment donner sa chance à la négociation ? — Sur le conflit de la Science et de la Religion — Une incertitude sur le sens du mot « fin » — Comparer les collectifs en lutte — Se passer de toute religion naturelle — 146

Sixième conférence : Comment (ne pas) en finir avec la fin des temps ? 181

— La date fatidique de 1610 — Stephen Toulmin et la Contre-Révolution Scientifique — À la recherche de l’origine religieuse de la « désinhibition » — L’étrange projet d’amener le Paradis sur Terre — Eric Voegelin et les avatars du gnosticisme — Sur une origine apocalyptique du climato-scepticisme — Du religieux au terrestre en passant par le séculier — Un « peuple de Gaïa » ? — Ce qu’il faut répondre si l’on vous accuse de tenir « un discours apocalyptique » — 181

Septième conférence : Les États (de nature) entre guerre et paix 216

— La « Grande Clôture » de Caspar David Friedrich — La fin de l’État de la Nature — Du bon dosage de Carl Schmitt — « Nous cherchons le sens normatif de la Terre » — De la différence entre guerre et opération de police — Comment se retourner face à Gaïa ? — Humains contre Terrestres — Apprendre à repérer les territoires en lutte — 216

H

Livres de l'auteur : Bruno Latour