Entretiens avec Anna Akhmatova
Les entretiens avec Anna Akhmatova commencent en1938, au plus fort de la Grande Terreur. Anna Akhmatova a vu arrêter son fils, Lydia Tchoukovskaïa croit son mari en prison (au vrai, on l'a déjà fusillé). Un même drame les rapproche qui est le drame de tant d'autres. C'est le sujet de leurs entretiens, mais dans un langage codé : les murs ont des oreilles. Document d'une eÎptionnelle valeur, rien ne plonge autant dans la réalité soviétique de l'époque où la parole a été bâillonnée. On revit les drames de la création littéraire, qu'il s'agisse d'Anna Akhmatova ou de Boris Pasternak, de Marina Tsvétaïeva ou d'Ossip Mandelstam. Mais l'on revit aussi la victoire, envers et contre tout d'une littérature obstinée à vivre.
Anna Akhmatova, morte en 1966, dont les livres étaient interdits mais dont les poèmes appris par coeur circulaient de bouche à bouche, s'est vu décerner le titre non officiel de Reine de la poésie russe, "Anna de toutes les Russies". Aujourd'hui, pour le centenaire de sa naissance, l'URSS fait tout pour effacer les années de persécutions et d'humiliations qui étaient le lot amer du poète. On publie ses oeuvres majeures éditées à l'étranger, ses oeuvres de jeunesse, on organise des soirées théâtrales où sont lus ses poèmes jadis proscrits, on réunit une conférence internationale avec la participation des spécialistes du monde entier;
Lydia Tchoukovskaïa vit toujours à Moscou. Au soir de sa vie, elle voit ses livres, qui ont été publiés à l'étranger, revenir dans son pays, là où ils ont été écrits.
Publiés pour la première fois en 1980, les Entretiens avec Anna Akhmatova ont reçu le Prix de la Liberté.