Dérive
C’est bien ce qui embarrasse Lambert, que son maître soit mis en doute et que lui, le simple employé, soit comme pris en amitié. Il faut dire, ils se sont trouvé un même goût, Lambert et Victor Hugo. Tous les deux, c’est les chiens, ils les aiment. […]
Guernesey sort tout juste de la pénombre, les hommes de peine quittent leurs maisons, les pêcheurs. Victor Hugo interroge Lambert sur ses chiens, et leur race et leur taille et leur nom et toutes leurs maladies ; s’il n’est pas malheureux sans eux ; s’ils ne vont pas perdre leur conduite, si longtemps loin de leur maître. Il s’y entend, Victor Hugo, un fameux homme, pense Lambert, vraiment un homme de valeur, un connaisseur des chiens, meilleur que le garde-chasse lui-même. Lux saute autour d’eux. Victor Hugo prend un air grave : Et vos chiens à vous ? Que font vos chiens, en cet instant ? Que font, loin de nous, ceux que nous aimons ? Ils se penchent tous les deux, Hugo, Lambert, vers la mer, comme si les chiens des Perrières allaient surgir de la mer, en meute, par l’est. »
Dérive faisait partie d’une version intermédiaire du roman Ouest, de François Vallejo, paru en 2006 aux Éditions Viviane Hamy. Dans l’économie du récit lui-même, il est apparu à l’auteur que ces pages ne devaient pas figurer dans la version définitive.
Pour l’éditeur, cependant, cet épisode possédait une existence autonome forte. Et il aurait été bien fou de se priver sans retour de la rencontre entre la figure de Victor Hugo et les personnages de Ouest…