Contre tout espoir : Souvenirs II
Le second volume des "Souvenirs" de Nadejda Mandelstam, où continue de se révéler la personnalité eÎptionnelle de l'auteur, enrichit et élargit l'horizon du premier. Celui-ci décrivait les quatre dernières années de la vie d'Ossip Mandelstam, ses deux arrestations et son destin posthume, que sa femme s'était donné pour tâche de faire connaître à la postérité. Le présent volume revient en arrière jusqu'en 1919, au moment de la rencontre entre le poète et sa femme à Kiev. Il relate les débuts de leur vie commune et, à travers la formation de leur couple ou les crises qu'il traverse, les espoirs et les drames d'une génération intellectuelle au lendemain de la Révolution. La vie de Nadejda après la mort de son mari, de 1938 à nos jours, y occupe également une grande place. On y trouvera enfin des portraits de poètes contemporains de Mandelstam, des Acméistes, de Klebnikov, et surtout d'Akhmatova, dont la présence n'était qu'épisodique dans le premier volume.
La société que décrit Nadejda Mandelstam est dominée par un sentiment oppressant : la peur. Elle pèse sur la vie quotidienne de chacun, mais plus particulièrement sur les intellectuels et les artistes. Nous voyons ceux-ci contraints de ruser et de mentir pour déjouer la vigilance d'une censure de plus en plus soupçonneuse. Nous assistons à leurs tours de force pour concilier l'expression de leur individualité avec les exigences de l'idéologie régnante. Un des aspects les plus attachants du livre est de nous montrer comment, dans un régime qui n'a pas de place pour elle, qui la craint autant qu'elle fait régner la crainte, l'expression authentique de l'art et de la pensée s'efforce "contre tout espoir" de survivre au milieu des persécutions.