Compagnons restitue avec justesse un monde où la culture orale est répandue, bien que discrète. Kernevel et surtout Le Brix ne lisent pas de livres. En ce sens, ils ne sont pas cultivés même si Kernevel écrit aisément des lettres et gère leur petite entreprise. L’écriture a pour eux la fonction économique et juridique qu’elle avait à ses débuts dans l’histoire des sociétés. Ces personnages ne paraissent même pas lire de journaux, comme les ouvriers de La Maison du peuple. Ils possèdent néanmoins les qualités humaines essentielles : pratique de leurs idéaux de liberté et d’égalité, sens de l’amitié et de la solidarité, esprit critique (Le Brix sait que les souffrances de la guerre expliquent l’état de santé de Kernevel), et une certaine conscience politique (Le Brix participait à la Bourse du Travail). La distraction préférée de Le Brix est le cyclisme et il va parfois au cinéma avec sa femme. L’auteur affirme ainsi qu’il n’y a pas de relation nécessaire entre culture livresque et qualité humaine et, par le titre, nous met sur la piste d’une définition élargie de la culture, déjà présente dans La Maison du peuple.

Kernevel et Le Brix sont des compagnons dans tous les sens du mot. Ils sont des camarades et des compagnons de vie, depuis l’enfance. Ils mangent ensemble tous les midis de la semaine (sens étymologique). De plus, ils sont compagnons au sens artisanal, plâtriers – maçons, qui ont fait leur Tour de France ensemble, et les valeurs de ces personnages sont celles du compagnonnage.

"Devenir Romancier" de louis Guilloux

http://books.openedition.org/pur/176

Voici encore ce que dit ALBERT CAMUS de Compagnons, qui a pour sujet unique la mort d'un ouvrier, et qui fait suite, dans le présent volume, à La Maison du Peuple : "Ce petit livre, qui a le ton des grandes nouvelles de Tolstoï, je défie qu'on le lise sans le terminer la gorge serrée... Voilà le grand art de Louis Guilloux qui n'utilise la misère de tous les jours que pour mieux éclairer la douleur du monde.