Barbe-Bleue
C'est l'"autobiographie bidon" de Rabo Karabekian. Né en Californie en 1916, ce fils de cordonnier d'origine arménienne va s'infiltrer dans le milieu de l'art new-yorkais. La perte d'un œil pendant sa drôle de guerre ne décourage pas ses dessins, ni ses desseins. Revenu en Amérique, il transforme une hangar à pommes de terre de Long Island en atelier. Porté par la vague de l'expressionisme abstrait, il fréquente les peintres Pollock, Rothko ou Gorky, mais ses toiles se désagrègent trop vite... "Nota bene hilarant" dans l'histoire de l'art, il finit vendeur de tableaux.
Et, comme toujours, Kurt Vonnegut est féroce, dénonçant ici les "énormes concentrations de papier-monnaie" ayant "permis à certaines personnes ou institutions d'attacher un sérieux démesuré, et donc inquiétant, à des œuvres qui n'étaient que pur délassement". Pur délassement aussi que cette œuvre d'un pulvérisateur du roman, repassant des couches de plus en plus vives et drôles sur les tribulations d'un artiste sans art.