A la cadence de l'herbe
Un peu plus de dix ans se sont écoulés depuis son dernier roman, Rien que du ciel bleu, et Thomas McGuane nous revient avec un livre fort et généreux : A la Cadence de l'herbe. Allusion voilée à son processus de maturation, le titre renvoie surtout au lent passage de l'hiver au printemps, à ce Montana prisonnier de la glace et de la neige qui se réveille au rythme de la nature… et des désirs enfouis venant crever la surface des consciences endormies. Ce roman est avant tout l'histoire d'une famille : Sunny Jim, le patriarche qui a tenu les siens d'une main de fer et qui, par delà sa mort, trouve le moyen de les contraindre encore à lui obéir ; Alice, sa femme, moins soumise et fade qu'on pourrait le croire et qui cache, même à ses enfants, de lourds secrets ; leurs deux filles, Evelyn et Natalie, farouches et exaltées chacune à sa manière, marquées par les non-dits de l'enfance et l'échec de leurs mariages ; les deux beaux-fils enfin : Paul, un sulfureux malfrat bourré de charme et Stuart, un petit homme ordinaire n'aspirant qu'à la paix. C'est aussi l'histoire de diverses successions : matérielles, bien sûr, mais aussi affectives. Paul réussira-t-il à reprendre et à tenir les rênes de l'entreprise familiale ? Quels couples se déferont ou se reformeront au cours de l'intrigue ? Qui est donc ce mystérieux Bengali, exécuteur testamentaire de Sunny Jim, aux activités louches et sans doute illégales ? Mais avant tout, c'est l'histoire de Bill Champion : caracolant dans un ranch digne de la conquête de l'Ouest, tout proche géographiquement mais si éloigné de la ville, de ses valeurs factices et de ses embrouilles financières, le cow-boy d'un autre âge observe en silence les déchirements d'une famille qu'il a toutes les raisons d'aimer clandestinement. C'est lui sans doute le véritable héros d'un roman où le comique de farce le dispute au macabre et à l'élégie d'un monde qui disparaît et qui pourtant renaît… à la cadence de l'herbe.
--Ce texte fait référence à l'édition
Broché
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