Mon livre surprise
Niagarak
Chacun d'entre trous porte en lui le roman d'une vie, acte tragique qui se joue dans un décor unique. » Ce décor sera Cuelga. « Chaque être humain est un accident de relief, une injustice, un désir différent, quelqu'un d'autre.
Une cité a lui seul. Et Cuelga sera à elle seule le lieu de tous les accidents, de toutes les injustices, de toutes les souffrances. Cuelga est un port ensablé au bord de l'Elquivir, en Andalousie.
On y vit échoué sur les rives de son passé. Depuis la Slovaquie, le souvenir de son ami, Trojic, hante Klaus et le pousse à commettre en Espagne un crime horrible. Pilar hante Thadeo, le prodigieux danseur, l'ami de ses quinze ans.
C'est pour la retrouver qu'il rentre à Cuelga. Sevy, le poète, Peggy Bleim, la star vieillissante, El Gallo, le torero aveugle, Enrique, le journaliste, toute la ville vit, figée sur son passé, autour du parvis de la cathédrale, sinistre théâtre pendant la guerre civile.
Un vent chaud apporte par bouffées des instants de bonheur, l'espoir d'un enfant à naître, la jeunesse, la sérénité de l'amour, l'amitié. Yves Navarre sait dire la tendresse comme la dureté d'un coeur. Il sait conduire un récit là où le lecteur ne l'attend pas. Niagarak est un roman intimiste à la lumière du soleil espagnol.
Source : Le Livre de Poche
"L'édition de ce roman de Navarre était introuvable depuis des années... Le voici en Livre de Poche. Celles et ceux qui ont fait le parcours de Biographie revivront la version des heures espagnoles de l'auteur. Cuelga serait Huelva. Le poète Sevy Erravan serait Yves Navarre. Niagarak, mot de code entre Pilar et Thadeo, veut dire amour. L'aventure de ce roman recommence..." - 4e de couverture 1983
Niagarak (1976 et 1983)
Roman largement autobiographique d'Yves Navarre. Une partie de sa trame sera reprise dans un roman plus récent intitulé Lorsque le soleil tombe.
En attendant sa relecture, voici le texte en format pdf image, "brut de décroffrage".
Yves Navarre a alors quitté l'éditeur Flammarion pour passer Grasset chez qui il publie ce seul roman. Voici ce qu'il écrit dans Biographie.
Ce matin-là, de l'été 1975, Yves va chez l'épicière, pendant que l'eau chauffe pour le thé. Il achète du lait, des yaourts, des bâtons de vanille et de l'eau de fleur d'oranger pour des compotes dont, à son tour, il a le secret. Il achète aussi Le Provençal. Pendant qu'il prend son petit déjeuner, en première page du journal, il lit l'annonce d'un meurtre non loin de Joucas, dans les Alpes-de-Haute-Provence. Le jeune employé d'un hôtel, apatride au nom étranger, aux cheveux blonds et qui, sur la photo, encadré par deux gendarmes, regarde droit l'objectif, comme s'il regardait Yves, a tué un jeune homme, mineur, dont seul le prénom est annoncé. Yves revient chez l'épicière, achète Le Méridional, en principe rival du Provençal, le premier étant de gauche, le second de droite, une division encore, et dans Le Méridional lit une autre version des faits. Sur la photo, cette fois, le meurtrier, toujours encadré par les deux gendarmes, baisse la tête. Il baisse la tête parce qu'on le fait entrer dans une fourgonnette. Mais sur la photo, il baisse la tête comme un coupable. Le Méridional accuse. La narration des faits est déjà tendancieuse. Le Provençal, lui, propose encore un peu un jugement et offre le regard de l'assassin en guise de questionnement : ça y est, roman.
Yves se met à sa machine à écrire. Après La Loca et Lorsque le soleil tombe, il va revenir une troisième fois à Huelva. Le crime a eu lieu là-bas. Le Provençal s'intitulera Pueblo et Yves recopie mot à mot le premier article en changeant seulement les noms de personnes et les noms de lieux. Le Méridional s'intitulera Patria. Le peuple d'un côté et la patrie de l'autre. Yves recopie les deux articles. Confrontation des deux versions. Le texte est lancé. C'est ainsi qu'Yves tuera enfin Rupture n° 1. Là-bas. Au bout d'un si long voyage. A Huelva. Quand il savait jouir encore. Mais de quelle jouissance parle-t-il quand il dit qu'il jouit ? Une jouissance esthétique, recherche du corps parfaitement désirable ? Une jouissance fécondante, recherche de plaisirs de compagnie, d'ordonnances et de courtoisies, débuts, en amitié, de tant de vies à deux ? Ou bien une troisième jouissance ? Mais laquelle ? La jouissance de la distance ? Ne plus donner d'importance aux pères de toutes sortes ? Ne plus trop « tout écouter » ? Ne plus se sentir attaqué ? Ne plus avoir recours à ces images qu'il mêle, tragiques, sur tous les faits de sa vie ? Niagarak. Roman. Yves Navarre. Le roman s'écrit déjà. Biographie, tome II, chapitre 82.