Mon livre surprise
Fungi de Yuggoth
Certains seront surpris d'apprendre que H.P. Lovecraft a écrit de très nombreux poèmes ; il est beaucoup plus connu pour ses nouvelles, il est vrai remarquables. En effet, c'est par elles qu'il gagnait - chichement, son talent n'a été pleinement reconnu que post-mortem - sa vie ; mais son œuvre étant de nature essentiellement onirique, un thème qui se prête merveilleusement à l'écriture poétique, il n'est pas surprenant que son art ait atteint là ses sommets. Pour ma part, je donnerai sans hésiter n'importe laquelle de ses nouvelles - et pourtant, Dieu sait combien je les admire - pour le présent recueil. Traduire, c'est trahir. Nulle part cet adage ne s'applique mieux que pour la poésie. En effet, dans le langage poétique, le sens des mots ne suffit pas à lui seul à faire passer une émotion. Y participent le rythme des vers, le choix des sonorités et des rimes, le choix de se conformer - ou non - aux règles prosodiques et autres contraintes formelles édictées au cours des siècles par les poètes pour mieux mettre en valeur le génie de chaque langue... Pour s'en convaincre, il suffit de transposer en prose le moindre poème, rédigé dans sa propre langue. Sauf eÎptions, le résultat sera, dans le meilleur des cas, insipide ; au pire, totalement indigeste. Il en est de même quand on traduit littéralement un poème. Alors, faut-il renoncer à présenter ces splendeurs aux lecteurs francophones ? Certes non ! Mais il faut inverser l'approche. C'est l'objet de cet ouvrage : je n'ai pas essayé de traduire ces poèmes en français, c'est totalement impossible en en gardant la substantifique moëlle, mais je les ai transposés en vers français, en me posant à chaque vers, à chaque strophe, la question « Si Howards Phillips Lovecraft, maîtrisant aussi bien la langue et la versification française qu'il maîtrisait la langue et la versification anglaise, avait voulu faire partager ses cauchemars sublimes aux lecteurs francophones, comment les aurait-il retranscrits ?