Avertissement : Pourquoi ce choix de textes de Schopenhauer, pourquoi cet ordre ?

Comment est composée l'œuvre de Schopenhauer : les deux ouvrages qui précèdent son Monde sont directement préparatoires à sa pensée, le tome I de son Monde contient certes l'essentiel de sa philosophie, mais à l'état premier, les tomes II et III ainsi que les œuvres suivantes (où se pressent les propos les plus variés, et qui font souvent penser à Alain par leur caractère concret et par leur mordant) présentent les développements de cette pensée toujours en éveil, toujours en refonte ; ils sont les perpétuels approfondissements et mises au point de sa réflexion : suppléments, appendices, commentaires, réponses à des objections, éclaircissements, addenda, paralipomena — compléments puisés dans son expérience vécue et dans ses lectures d'œuvres poétiques, littéraires, religieuses, scientifiques, philosophiques. Quand le Monde paraît, en 1818, Schopenhauer a 30 ans ; la deuxième édition n'a lieu que 26 ans plus tard (en 1859, Schopenhauer a 56 ans) et la troisième édition qu'un an avant sa mort : les deux dernières éditions montrent une pensée beaucoup plus nuancée et beaucoup moins sombre, beaucoup plus sereine. Ainsi Schopenhauer a une pensée philosophique assez nette mais en constante récréation ; deux jours avant sa mort, il disait à Gwinner : « Ce serait fâcheux si je mourais maintenant : j'ai encore d'importantes additions à faire aux Paralipomena. »

Comment dégager, à travers ses développements complexes et morcelés, ses répétitions aussi, la démarche progressive de cette pensée, et son unité, pour la rendre accessible aux lecteurs ? Comment concilier le respect des textes et le désir de donner le goût d'une œuvre qui se présente d'abord comme un ensemble volumineux et insolite ? Comment servir le lecteur sans trahir l'auteur ?