Un arbre voyageur
L'amitié qui se noue, se développe et se maintient entre Anna et Milie est le point de départ de ce roman du courage et de la liberté. Le récit d'Anna, qui relate les années de leurs existences proches et pourtant différentes, s'arrête au moment où Millie s'est installée à la campagne avec ses enfants.
La vie de Milie, sa rencontre avec Walter, leur amour, l'intervention des enfants, les souvenirs d'un passé dense et difficile, celle de Fanch qui appartient à ce passé, font suite au récit d'Anna. Rendez-vous furtifs des matins d'hiver, recherche d'un travail, manque d'argent, projets d'un avenir avec Walter, adolescence inquiète de sa fille Véra, ainsi s'ouvre pour Milie l'année 68. Le roman s'achève le 21 Août suivant.
Cet arbre voyageur - qui est peut-être Milie - plonge ses racines dans une honnêteté à la fois orgueilleuse et humble, un entêtement à vivre qui défie le malheur. Son ombre attire et abrite ceux qu'une époque réputée prospère et facile a cruellement oubliés.
°°°°°
"Cette nuit-là, Mille resta chez Walter. Elle se tut sur ce qui les séparait, ne parla ni de Mexico ni de Prague. Il fut debout avec le jour. Ils déjeunèrent, laissant la porte ouverte sur le jardin. La pluie d'orage qui menaçait depuis la veille, tombait en gouttes épaisses dont le bruit sur les feuilles écorchait Milie. Silencieuse, regardant le paysage que cernait le cadre de la porte, représentation ce matin-là du mot douleur. Qui commençait comme douceur par les coloris neutres de la campagne au réveil, vert gris, blanc bleu, terre bleue ciel blanc arbres gris horizon vert et se déroulait en sa dernière syllabe à la consonance mouillée — proche de pleur — partie tranchante du mot qui entrait en Milie comme la pluie dans la terre.