Tous les chevaliers sauvages
Six mois après l'arrivée de François Mitterrand au pouvoir, Michel Polac consacre son émission Droit de réponse à la fin de Charlie Hebdo. Dominique Jamet et Jean-François Kahn plastronnent, des lycéens bafouillent que l'époque est formidable, tous semblent trop inconscients pour mesurer le sens de ce qu’ils sont en train de vivre. Bernard Tapie, monstre froid venu de l’avenir, fait son apparition. L’esprit Hara-Kiri disparaît ce soir-là, et avec lui un rire jaune, ringardisé par des adversaires ayant cyniquement appris le langage de la provocation.
Il y a deux types de rire : le petit rire né de la soumission aux limites, et le grand rire né de la confrontation à l’illimité, de la mise en pièces de nos conditionnements. Le rire que provoquait Hara-Kiri était un grand rire. Un rire tranchant comme le sabre du samouraï.
Désormais seul survit le petit rire de l’acceptation des choses. Car, depuis 1982, s’est installé un système qui a déposé les armes de l’humour. Preuve en est la forme privilégiée du « chroniqueur », mi-humoriste, mi-valet du pouvoir, nul en tout mais présent partout, ne sachant rien faire mais parlant tout le temps très fort, et toujours dans la bonne humeur.
Voyage dans la France, le Japon et les États-Unis de l’après-guerre, revisitant les plus grandes créations jusqu’aux plus grands leurres, Tous les Chevaliers sauvages est également un tombeau de Choron, Reiser, Gébé, Andy Kaufman, valeureux héros d’une époque révolue où l’humour fonctionnait comme un substitut à la guerre.