Tous les chats sautent à leur façon
Ma trajectoire est bizarre, de la petite gardeuse de vaches dans sa vallée jusqu'à l'hôtel de ville de Stockholm. Comme bien souvent, je me sens à côté de moi-même.»
C'est par ces mets, illustrant ses origines et l'itinéraire d'une vie consacrée à la littérature, qu'Herta Müller a commencé son discours de réception du prix Nobel de littérature en 2009. Un parcours qu'elle retrace dans ce long entretien avec l'éditrice Angelika Klammer, où elle évoque pour la première fois les faits biographiques qui l'ont marquée et qui continuent à inspirer son écriture.
Depuis son enfance sous la dictature roumaine et jusqu'à La bascule du souffle, véritable monument de la littérature européenne, Herta Müller s'est toujours expliqué le monde qui l'entoure à travers la langue. Avec grande lucidité, elle décrit le quotidien oppressant dans son village natal de la minorité allemande du Banat et relate comment les services secrets de Ceau\u015fescu ont tenté de la recruter – avant de l'ostraciser et de la harceler à cause de son refus. Elle revient également sur son arrivée douloureuse de l'autre côté du rideau de fer, en Allemagne de l'Ouest, dans les années 1980.
À travers des images puissantes et avec cette acuité si particulière que ses lecteurs lui connaissent, Herta Müller mesure de façon inédite l'impact de la violence dictatoriale sur l'individu.