That's All Right, mama
Certains êtres, attentifs au moindre frémissement de leur âme, ont des prémonitions. Ils les appréhendent et les chérissent. Ce n'était pas le cas d'Eva. Jamais elle n'avait eu la moindre prémonition de toute sa vie. Elle ne considérait pas cette absence de murmure mystérieux comme un tort, car, au fond, elle ne croyait pas que l'on puisse capter le malheur ou le bonheur à l'avance, telle une parabole humaine hypersensible. Elle ne consultait pas les voyants, cartomanciennes ou autres extralucides. Elle prenait ses décisions quand il fallait les prendre sans jamais jeter un oeil sur les astres. Le jour où son père était mort dans un accident de la route, elle n'avait pas eu de pressentiment. Elle était tranquillement en train de jouer avec ses poupées quand le téléphone sonna et elle vit sa mère s'effondrer. Quand elle avait rencontré Michel, pas de harpe céleste. Et quand ils rompirent, pas de torrent de pluie. Sa nomination à son poste de maître de conférence lui était parvenue un matin du mois de juillet dans une enveloppe de papier recyclable au moment où elle passait la serpillière dans le couloir. Quand le malheur devait arriver, il arrivait, à quoi bon le savoir quelques jours auparavant ? Quant au bonheur, il n'arrivait de toute façon pas, il était soudain là, parfois. » Le retour dans sa ville natale, Francfort, est rude pour Eva Jacobi, une femme sans histoire, sans attache sentimentale, qui ronronne dans sa vie parisienne. Sa mère vient de mourir. Déboussolée, elle erre dans l'appartement de son enfance ; ses souvenirs affleurent, parfois douloureux son père mort dans un accident de voiture. Entre le chat rondouillard et une tarte aux cerises, elle trouve un billet d'avion pour Memphis, Tennessee. Sa mère ne s'éloignait pourtant jamais de sa boutique de frivolités… Eva décide de faire ce voyage à la place de sa mère. Et dans le bazar baroque de Graceland, la maison d'Elvis, dans les rues surchauffées du vieux Sud américain, elle va tenter de donner un n