Tell all
Le vent tourne du côté de chez Chuck Palahniuk. Encensé jusqu'à il y a deux ou trois livres d'ici, l'auteur de devrait si la logique se vérifie se faire étriller pour ce dernier roman, sorti il y a quelques jours, et dans la lecture duquel je suis plongé depuis quelques heures (soit 40% du livre qui fait à peine 200 pages).
Tell-All est un livre qui, à l'image de ce trailer complètement idiot et inutile (où est passé le type qui avait mis en scène le lancement de Snuff ?), est encore plus déroutant que ne l'était , roman d'abord mal-aimé et qui s'affirmait au fil de la lecture plus intéressant qu'il n'en avait l'air.
Tell-All se dit en anglais/américain de ces biographies de stars, généralement publiées au moment de leur mort, qui s'entendent comme des déballages intimes, souvent en provenance de leurs proches, et qui salissent les légendes.
Tell-All raconte, du point de vue de la "gouvernante" d'une vieille actrice hollywoodienne Kathie, la vie, les peines et les manies d'une statue du 7ème art. Sorte de Liz Taylor ou de Greta Garbo old school, l'héroïne est courtisée par un jeune homme que la gouvernante et protectrice de toujours va tenter d'éconduire ou de couper de la star, parce qu'on le soupçonne de vouloir conclure un livre à succès sur la vieille légende.
Tell-All est un livre sur le cinéma des années 20, sur la célébrité, sur la décrépitude, les apparences du pouvoir. C'est un livre sur la perte, sur le mythe américain comme toujours chez Palahniuk mais c'est surtout un livre truffé de gimmicks mécaniques, de tics et répétitif comme pas un.
Après 30 pages, on a compris la mécanique à l'oeuvre : narration façon scénario, éclairage qui explose le 4ème mur, syndrome de la Tourette en name-dropping de marques et de vieilles stars, star gaga. Palahniuk recycle une méthode qui avait bien marché pour Rant (), emprunte à la mélancolie des étoiles de Snuff (beaucoup plus radical et intéressant sur ce point bien qu'infiniment plus vulgaire) mais ne convainc pas.... pour le moment.
Ce que nous apprend ce démarrage de Tell-All, c'est que Palahniuk est le seul à faire ce qu'il fait aujourd'hui, au point qu'il ne sait plus faire que ça. On pourrait analyser sa méthode pour créer un générateur de romans automatiques : un personnage, un narrateur, un angle, une forme. Compilez c'est pesé. Temps minimum pour écrire le livre : 15 jours ? 20 jours ?
Ce n'est pas pour cette raison que les livres ne fonctionnent pas. Il y a d'abord la langue qui claque et doit désormais impérativement être lue en version originale (sans snobisme aucun) mais surtout le possible rattrapage de la fin. Palahniuk est le seul type de sa génération qui a le sens du twist final. Will Self, Ballard, Amis, Ellis et les autres peuvent aller se rhabiller.
Il n'y a que Palahniuk qui peut changer un roman de m*** en or sur ses 10 dernières pages. Je n'émettrai pas de jugement sur Tell-All avant d'y être. Signe des temps, le trailer est affublé d'un seul commentaire qui en dit long sur ce qui se trame en coulisses.
Un internaute cite joliment ce qu'il pense de l'auteur et de ses cours du soir : "Being taught how to write fictionally by Chuck Palahniuk is e¬tly like being taught how to play football by a one-legged man". Ce n'est pas si mal vu mais que c'est cruel. S'il y a un unijambiste qui sait jouer au foot, c'est bien ChucK.