Tara
Tara n'est pas un roman. Plutôt la vision, hallucinante jusqu'à l'obsession, d'un double cas de possession. Car il y a deux Tara, la mère et la fille; et la mère, après avoir patiemment formé sa fille au Mal, s'éloigne comme pour lui léguer une sorte de souveraineté.
Dès lors, la seconde Tara ne connaîtra plus ni prudence ni frein. Elle prend au piège et épouse un pur, un chrétien, Juan, afin de pouvoir cruellement blesser une âme. Elle s'offre au passant que choisit son caprice. Quand éclatera la Révolution, elle n'hésitera pas à commettre la plus abjecte des trahisons.
Ce n'est pas seulement ici l'étude d'un cas monstrueux; c'est l'évocation du seul problème métaphysique qui soit lourd de conséquences immédiates pour l'homme : celui de la prédestination. Et ce problème s'incarne ici en des vies violentes, comme s'incarne ce domaine de « La Parra », cette province cordouane, cette Espagne enfin, tantôt jardin de délices, tantôt desséchée, impitoyable, telle enfin que pouvait nous la montrer, aussi loin de tout romantisme approximatif que de tout réalisme minutieux, un écrivain fait de sa substance et de son sang et, par surcroît, contraint dès l'enfance à se pencher sur les abîmes de l'âme.