Sur l'expédition de Bonaparte en Egypte
L'armée française débarque en Egypte, près d'Alexandrie, le 2 juillet 1798, après une extraordinaire partie de cache-cache d'un mois et demi avec la flotte anglaise en Méditerranée (...) Bien au-delà des intentions personnelles de ceux qui ont conduit l'expédition, un immense événement a pris place, d'où l'Egypte et la France sortent à jamais différentes, parce que le regard que chacune d'elles porte sur le monde en est transformé. L'Egypte verra désormais autrement l'avenir. Et la France, autrement le passé. La première a subi l'effet de souffle de l'ouragan 1789, porteur des idées de liberté individuelle, d'égalité de droits, de la toute-puissance de la raison. La seconde, en découvrant l'Egypte des pharaons, a enfin trouvé les sources d'une Histoire de l'humanité qui n'est plus chrétienne ou européenne, mais universelle. De ce croisement de deux perspectives contraires, de cette rencontre inouïe dans un même espace de deux temps qui ne se touchent pas, il se trouve que nous possédons un double témoignage au jour le jour - deux chroniques qu'il suffisait de mettre en regard pour voir apparaître la trame de cette unique aventure. Vivant Denon et Abdel Rahman el-Gabarti furent en effet idéalement placés pour en restituer l'ambivalente vérité. N'ayant pas eu à porter les armes, ils sont restés, chacun au sein de son camp, au plus près possible du camp adverse. C'est pourquoi aujourd'hui, en les lisant ensemble, on croirait les entendre dialoguant, à l'insu de leurs compatriotes respectifs, d'un événement qui les oppose et les réunit tout à la fois. Un événement dont, bien avant la plupart de leurs contemporains, ils pressentent les conséquences à venir. Extrait de la présentation de Mahmuud Hussein.