Rue du Prolétaire Rouge
Pour y aller, c’est très simple. Tu prends le métro à Kirov, après Marx tu changes à Place-de-la-Révolution, tu descends à Maïakovski, puis laissant derrière toi l’hôtel Pékin, tu longes la ceinture des jardins sur le trottoir qui fait face à l’ambassade du Chili, et tu tournes à gauche dans la rue du Prolétaire rouge, celle qui se trouve avant le théâtre de marionnettes d’Obraztsov. Impossible de te tromper. Il n’y a qu’un restaurant. » Un restaurant de Moscou. Les touristes n’y mettent jamais les pieds. On est ici entre Soviétiques, et l’on peut parler à cœur ouvert. Dans le calme. Le juke-box, en panne, ne risque pas de couvrir les voix. Travaillant en URSS au titre de coopérants, Nina et Jean Kéhayan s’y rendent à la moindre occasion pour discuter avec des Russes, des Arméniens, des Juifs, des Ouzbecks et tant d’autres... Communistes français, ils partagèrent intensément la vie quotidienne des Soviétiques. Pendant sept cents jours. Avec leurs deux enfants. Aujourd’hui, préoccupés de l’enjeu démocratique en France, ils témoignent. La course folle aux produits de toutes sortes, la paupérisation sexuelle, l’alcoolisme, l’enfance livrée à la propagande, le parti-réducteur-de-têtes... mais aussi l’autodéfense individuelle... et, lointaines, colorées, vivaces, les terres de Russie, de Géorgie, d’Arménie... Leur livre impose une vision sans précédent de l’Union soviétique. Pourtant, tout avait commencé pour eux par une histoire d’amour pour un pays, pour un peuple.