Rue des syriens
Wadi stationnait aux pieds du Christ-roi, tenant d'une main
une valise fatiguée, de l'autre un journal avec lequel il tentait
de se protéger de la férocité du soleil tropical. Tout autour
s'agitaient marchandes de légumes, débardeurs, djobeurs
poussant leurs charrettes à bras hétéroclites, chauffeurs de
taxi-pays qui jargouinaient sans arrêt dans une langue pour lui incompréhensible. Il s'étonnait qu'ils fussent pour la plupart d'un noir d'ébène, hormis quelques visages couleur de miel.
Soudain, un gamin rieur le tira par la manche : "La Syrie, tu
vas fondre sur toi-même, oui ! Ha-ha-ha !" A la fin du XIXe
siècle, des centaines de milliers d'habitants issus des pays du Levant, Syrie, Palestine, Liban et Jordanie, émigrèrent en
Amérique du Sud et dans l'archipel des Antilles. Ils furent
désignés sous le nom générique de "Syriens". Wadi est l'un
d'eux. Quand il débarque à Fort-de-France dans les années
1920, le dépaysement est total. Il est à la recherche de son
oncle Bachar, qui l'a précédé à la Martinique au début du
siècle. Wadi a tout à construire dans ce nouveau pays où il va
vivre de multiples aventures et croiser de nombreux
personnages : Fanotte, la superbe et fantasque revendeuse,
Bec-en-Or, le crieur de magasin, Ti Momo, le fier-à-bras
amateur de combats de coqs, des maîtres en sorcellerie, un
boutiquier chinois, un prêtre hindou, et bien d'autres encore,
caractéristiques du melting-pot antillais... En célébrant
l'épopée des Levantins à la Martinique, Rue des Syriens est
aussi un grand roman sur l'intégration qui plaide pour une identité mosaïque.