Résidente privilégiée
Depuis que j'ai quitté l'Espagne en 1936, j'ai toujours vécu en état d'urgence" écrit Maria Casarès. D'où, sur les chemins de la mémoire, cette quête passionnée d'une identité égarée. D'où ce singulier voyage à la recherche des signes qui la révéleraient. Peu à peu tout resurgit : l'enfance galicienne, Madrid fatidique, la guerre civile et la fuite, l'apprentissage d'une nouvelle patrie, d'un autre langage, la guerre encore et l'exode, le conservatoire, les premiers succès au théâtre, le cinéma, les drames, les rencontres eÎptionnelles... Et, parallèlement, comme la mer d'une vague l'autre, l'écriture s'amplifie, qui dessine les contours d'une vie, tandis que la phrase s'enracine dans le passé, la demeure des Charentes, le livre en cours. Ce texte - ou ce chant - superbe, exigeant, d'une extrême pudeur, nous dit les iniations successives - si particulières - propres à toute vie, l'envers et l'endroit des mots et des choses, l'ambiguïté des privilèges. La comédienne, devenue spectatrice d'elle même et du monde, met en scène une foule de personnages qui, soudain, traduisent le bruit et l'ironie, la ferveur et la violence d'une époque où chacun se reconnaîtra.