Tout au long des quatre-vingts semaines où Renaud, dans Charlie-Hebdo, rédigea ses chroniques de " Renaud bille en tête ", il a douté, peiné, coupé, changé, rajouté, comme un qui sait qu'il ne pourra pas s'endormir sur un travail bâclé.

Rien à voir avec un ouvrage de dame. Les chroniques que vous allez lire - légères, toutes parcourues par une petite musique qui cache sa grâce derrière des fausses notes faites exprès - vont vous charmer, au sens où, parfois, sans trop savoir pourquoi, vous jubilerez, vous serez parcouru par une petite onde de plaisir. En un mot, vous allez vous faire avoir. Et, surtout, vous allez rire. Obligé. Et, ce qui est plus précieux encore, vous n'aurez pas honte d'avoir ri, comme il arrive si souvent avec les comiques.

[...] Renaud fait partie de cette minorité d'auteurs qui font vivre la langue, et une pensée vivante a besoin d'une langue vivante. Il ne sert à rien de dénoncer le racisme, l'injustice, la guerre, en hurlant dans les ténèbres de la lourdeur et l'obscurité de l'ennui. Il n'y a que le talent, pour allumer la lumière. Une belle idée dans une langue morte peut devenir le jouet de n'importe quel démagogue, prêtre, énarque.

Une belle idée dans une langue vivante, c'est rebelle, ça résiste au lavage médiatique, le rouge et le noir restent rouge et noir. Toutes les idées sont dans l'air. L'humour, le style, le charme, hélas, sont au fond des neurones d'une toute petite minorité d'Indiens, menacés par le béton et les cow-boys. Voilà donc cinquante signaux de fumée à déguster en fumant le calumet de la paix. " Philippe Val