Pré-papa
Pré-papa, ce "roman de fées" frappé des couleurs de la cendre et de l'acier (cendres d'un vieux monde qui agonise dans ses ruines et son archéologie petite-bourgeoise, acier d'un univers de science-fiction à la robotisation effrayante), semble davantage hanté par des sorcières... Des sorcières du passé comme Adèle, la monstrueuse vieille fille brandissant comme un poignard son Dieu mort avant d'en usurper la place dans une dérisoire rédemption. Des sorcières du futur comme le professeur Kedrova qui programme biologiquement des mutants qu'elle envoie dans l'espace. Il faut bien sûr à tout "roman de fées" des héros ingénus promis aux plus miraculeux destins. Et tel est le couple Ferguson - John et Mary - qui se prépare à mettre au monde un enfant. Tout est prêt pour son avènement, mais à quoi bon puisqu'un dérèglement physiologique va les projeter dans l'inconnu. Le merveilleux. L'allégorique "Roman de fées", oui. Mais prenons-y garde! L'univers d'Agustin Gomez-Arcos n'est pas situé à des siècles du nôtre. Peut-être simplement à quelques secondes - le temps d'une fugitive et irrémédiable guerre nucléaire après laquelle il faudrait se réinventer une vie, une morale, une mémoire. Après laquelle hommes et femmes échangeraient enfin leurs attributs. Le lecteur de Scènes de chasse (furtive), de Ana Non, de Maria Republica ou de L'agneau carnivore se sentira peut-être loin de l'Espagne d'Agustin Gomez-Arcos. Mais son dépaysement ne sera qu'apparent. Il retrouvera la même réalité convulsive brassée par le romancier. La même misère, la même compassion, la même violence saisies dans leurs moments de plus grande "urgence". Avec toujours ce va-et-vient de l'impulsif au raisonné, de l'individuel au mythique.