Pomes Penyeach
Seul
Les mailles d'or gris de la lune
Font de la nuit un voile,
Les lumières du bord dans le lac endormi
Rampent en vrilles de cytise.
Les roseaux sournois à la nuit murmurent
Un nom — le nom d'elle —
Et mon âme est toute délice,
Pâmoison de hontye.
Au titre-jeu de mots, ce recueil a paru pour la première fois en 1927, vingt ans après Musique de chambre, qui lui avait valu l'admiration de poètes déjà reconnus, notamment Ezra Pound et T.S. Eliot. Le manuscrit est déposé chez Sylvia Beach par Samuel Beckett, que Joyce vient de rencontrer.
Avant d'être romancier, Joyce est d'abord poète ou… poémier. Pour lui, la poésie est un jeu, "art mineur", dit-il, mais aussi un véritable laboratoire de recherches linguistiques. Tout le ressort de l'œuvre romanesque se retrouve là, dans ces po(è)mmes. Pourtant, sans jamais cesser d'être des jeux de l'esprit, ceux-ci distillent un sentiment de désenchantement. Ils sont en effet marqués du sceau d'une dérive, physique (Dublin, Trieste, Zurich et Paris) et morale. Ils sont amers. Les pommes d’or du jardin des Hespérides réservent des surprises… "Tout un monde dans une coquille de noix.