Peut-on être à la fois lucide et heureux ?
Il n’y a pas d’amour heureux » chantait Brassens, reprenant les paroles du poète Aragon. L’amour se construit sur des illusions et s’accompagne peut-être inéluctablement de désenchantement, à l’épreuve du temps et au contact de la réalité du quotidien. « Toute vie est ratée, mais plus ou moins » disait Malraux. Cette lucidité quant aux dures leçons de la réalité et à l’imperfection de nos vies et de nos amours, s’accompagne-t-elle de tristesse et d’amertume ? Renoncer lucidement à certaines de ses illusions est-ce renoncer au bonheur ?
Or comment la lucidité pourrait-elle rimer avec le bonheur, si on qualifie de lucide celui qui regarde en face une situation douloureuse, voire désespérée ?
Devons-nous alors renoncer à la lucidité pour être heureux? Mais la lucidité nous a paru nécessaire pour nous préserver de cruelles désillusions. Certes, elle n’est peut-être pas constitutive du bonheur, car le bonheur exige d’autres ingrédients que la lucidité : l’espérance, la croyance, un minimum d’illusions dans l’action. Est-ce à dire que le bonheur exclue la lucidité, que la lucidité ne saurait apporter le bonheur ?