Où est passé le temps ?
Avec l’espace, disait Emmanuel Kant, le temps constitue la « forme a priori » de notre sensibilité. Autrement dit, le temps est l’horizon à travers lequel nous faisons l’expérience du monde, il structure notre façon d'aller à la rencontre de ce qui est. Or la modernité semble désormais compromettre les conditions de cette rencontre. Tout va de plus en plus vite : entre « fast-food », « speed dating » et haut débit, notre époque se distingue par la toute-puissance de la vitesse.
Ce qui est en jeu, ici, ce n’est plus seulement l’emballement de l’innovation technique, mais l’accélération du réel lui-même. Voilà l’une des désillusions du progrès : plus nous sommes équipés de machines, d’appareils censés nous faire gagner du temps, et plus nous avons le sentiment d’en manquer. Dans les relations sociales comme dans la vie intime, en politique comme en amour, notre quotidien est marqué par l’urgence, la peur de ne pouvoir suivre.
La tyrannie du court terme comprime l’espace. Le triomphe de l’immédiat rend impossible toute vie au présent. Le règne de l’instantanéité enterre la mémoire et dynamite l’avenir. Bref, l’accélération des choses rétrécit le champ de l’expérience, à commencer par cette condition de toute vie humaine qu’on nomme confiance : « La confiance ne saurait être de l'ordre de l'instantané, écrit le philosophe Paul Virilio.
Elle doit se construire, se mériter, dans le temps. La confiance instantanée, la foi instantanée, cela ne marche pas. Il faut du temps pour avoir confiance ». Reconstruire un espace de discussion, d’amitié et de justice, c’est donc ralentir le rythme, repartir à la conquête du temps long. Artistes, philosophes, géographes ou historiens, hommes d’images ou femmes de lettres, les intervenants tenteront de répondre ensemble à cette question : « Où est passé le temps ? ».
Trois jours durant, fidèle à sa tradition d'échanges et de dialogue, le Forum a confronté leurs réponses aux interrogations et aux objections du public.