Très tôt, la figure de Nicolas de Staël a été entourée d'une aura de légende. L'interrogation que nous livre son œuvre dans les années 50 est essentielle. Elle s'inscrit après la deuxième guerre mondiale, dans la vérité du passage d'un demi-siècle à un autre."

Catalogue de l'exposition "Nicolas de Staël 1945-1955" présentée à la Fondation Pierre Gianadda, à Martigny (Suisse) 18 juin – 21 novembre 2010.

"Elle marque un gué. Elle pose le problème qui a hanté les créateurs du XXe siècle entre la peinture de sujet et celle de l'idée, entre peinture figurative et peinture abstraite.

De 1945 à 1955, en dix années menées tambour battant, qui résument la quasi-totalité de son œuvre, Nicolas de Staël s'est engagé dans une voie picturale sans cesse renouvelée. Dans une progression fulgurante dont on ressent chaque étape de façon décisive, il pressent, à l'inverse de Kandinsky et Mondrian abandonnant au début du XXe siècle la figuration pour aller vers l'abstraction, le besoin impérieux d'imposer une nouvelle trajectoire et réflexion à tous les sujets qu'il va désormais aborder. Sur cet autre rivage de son œuvre, tout se lit et vit d'autre manière. Dans ce temps de paix revenue, Staël offre à la peinture un espoir immense.

Dans un travail acharné, l'intuition côtoie en permanence le doute et l'urgence. L'instinct est là, toujours en éveil, qu'il précise en 1945 dans une lettre adressée à son ami Jean Adrian : 'Pour moi l'instinct est de perfection inconsciente et mes tableaux vivent d'imperfection consciente. J(e n)'ai confiance en moi que parce que je n'ai confiance en personne d'autre et je ne puis en tous cas pas savoir moi-même ce qu'un tableau est ou n'est pas et fabriquer de nouvelles constantes avant de peindre', ajoutant immédiatement après 'il faut travailler beaucoup, une tonne de passion et cent grammes de patience' ". (Extrait du texte de Jean-Louis Prat).