Nada exist
Quand il entra dans la chambre, l'obscurité exhalait l'odeur du lit défait. Tirant les grands rideaux de velours dont la doublure avait pris la couleur du ciment à force de brûler au soleil, il entrouvrit une porte-fenêtre pour laisser pénétrer l'air de la campagne. II s'arrêta sur le miroir de la cheminée. Une image était scotchée au milieu : une reproduction de la gravure de Dürer, Le Chevalier, la Mort et le Diable. Son visage, défiguré par la lèpre du verre au mercure, se réfugiait derrière l'allégorie. Il bougea pour se cacher. Parut alors dans la glace, encadré par la fenêtre, le bois noirci d'un marronnier. Des branchettes séchées par l'hiver zébraient le ciel comme des griffes. De la chambre voisine, de l'autre côté de la salle de bains lui parvint, à la manière d'une plainte, le souffle d'une femme. "Le travail du Diable est presque terminé", chuchota-t-il au monstre de la gravure, sans que son sourire soit révélé par le miroir.Cinq heures dans la vie d'un photographe de mode en décadence. Une étude de mœurs d'un lyrisme cruel et drôle, portrait d'une âme perdue jusqu'au sortilège final, au 29e étage de l'ex-hôtel Nikko.