Metaleurop : Paroles ouvrières
Premier mai 2003, sur le site de Metaleurop ex-Penarroya, ex-première usine en Europe pour le traitement du plomb, ex-légende ouvrière. Le ciel est bas, plutôt changeant. (...)
Je me tiens un peu à l'écart. C'est sans doute la dernière fois que je viens ici. Tout se fige déjà en cet endroit que j'ai connu voici peu si agité, si bouillonnant, lorsque plusieurs centaines d'ouvriers s'y réunissaient avant de se lancer dans l'une de leurs actions exemplaires qui donnaient le vertige aux masses et des vapeurs aux patrons. J'ai vu brûler les chariots élévateurs et la fièvre qui prenait chacun (...).
Quand pour leurs seuls profits les financiers mènent une population au chômage et au malheur, il s'agit seulement d'une logique économique. Qu'ils ne s'étonnent donc pas de soulever une véritable colère chez ceux qu'ils exploitent et qu'ils se désolent en constatant que cette colère individuelle peut se muer en haine de classe et en révolte organisée chez ces travailleurs qu'ils traitent avec un tel mépris.
(...) Metaleurop-Nord devait disparaître, on y était trop dignes, on donnait le mauvais exemple. Ici, nul ne songeait à se prostituer dans les reality-shows d'une télé pourrie, on était simplement fier d'appartenir à la classe ouvrière, de travailler dans une usine d'élite, de produire de la richesse en espérant quelle serait un jour répartie avec davantage de justice.
(...) Les ouvriers, dont certains connaissaient mes livres, m'ont fait venir sur le site de Metaleurop-Nord, m'ont parlé et m'ont choisi pour donner une forme écrite à leur mémoire. C'est ma seule légitimité, elle vient d'eux.