Les grandes Civilisations
En acceptant de définir, à grands traits, la civilisation de l'Europe classique, Pierre Chaunu a entrepris une tâche difficile. Mais cette difficulté ne semble qu'avoir accru chez lui ardeur et désir de réussite. Tout l'ouvrage est porté par une sorte d'élan fort et profond qui traduit la sympathie du chercheur pour le thème de ses recherches. Certes, l'image qui nous est donnée ici de l'Europe classique n'est pas tellement conforme aux schémas traditionnels, et les figures familières des souverains et des militaires s'estompent un peu à l'horizon d'une époque étudiée avant tout dans les réalités de ses structures profondes et débouchant sur les promesses qu'ouvrent les découvertes de la technique et de la science. L'ordonnance d'une matière aussi riche et aussi diverse n'était pas aisée. Sans doute l'auteur a-t-il tiré commodité du choix important des illustrations, éclairant à la fois le texte et éclairées par lui, et du dictionnaire final où viennent se ranger notions, personnes et choses qui n'avaient pu qu'être effleurées. Mais l'exposé dominateur possède par lui-même un caractère de grande unité, et fait constamment sentir comment, sous la mosaïque enchevêtrée des faits, la civilisation étudiée exprime une personnalité propre, attachante et quelque peu tragique. Le livre entier est axé sur l'opposition entre le conservatisme tenace d'une civilisation matérielle étonnamment stable et l'explosion révolutionnaire des oeuvres de l'esprit. La lumière jetée sur ce contraste fondamental est volontairement brutale, et révélatrice.