Les forteresses de l'oubli
Ce livre mêle le poème, le récit, l'imprécation, la prose poétique, passe de la phrase nominale à la phrase-fleuve, de l'économie de mots à l'élan lyrique. D'autres écrivains ont ainsi dans le même livre changé de genre et de mètre. Parfois avec une préoccupation expérimentale ou le souci de prouver une virtuosité multiforme. Ici, rien de formel, rien de gratuit. La diversité des écritures répond au projet même du livre, à la personnalité de Joseph Dardanel qui se cherche, cherche sa forme, sa justification. Son père, enfant abandonné, fut placé par l'Assistance publique dans le Morvan. Ou plutôt déplacé. N'est-il pas né à Drancy, ville tristement célèbre pour d'autres déportations ? Cet abandon, cette ignorance des origines, cette illégitimité initiale ont empoisonné la vie de Joseph Dardanel, voyageur sur la terre, exilé de sa propre vie. Ses années d'internat ont été vécues sous le signe de l'abandon, malédiction qui pèse sur la famille et impose une grille d'interprétation. Les Forteresses de l'oubli nous font entrer dans d'autres forteresses, asiles, pensionnats, hôpitaux, où l'on accueille de pauvres hères pour en protéger la société plus que pour les protéger d'eux-mêmes. Murs, dortoirs, couloirs, médecins, prêtres, maîtres, gardiens… Le monde est bien fait.