Les exilés
Des bruits de voix assourdis, des claquements de portes à l'aube, cela ne peut guère signifier qu'une chose : une rafle. Ludwig Kern et son compagnon de chambre Steiner tentent de se sauver par le grenier, mais sont interceptés et arrêtés avec une trentaine d'autres malchanceux, voués comme eux à la prison puis à l'expulsion une fois leur peine purgée. C'est que la justice de l'Autriche, en cette année 1935, n'est pas tendre pour ceux qui ont franchi clandestinement ses frontières -et ils sont légion depuis l'avènement du nazisme, ceux qui fuient les persécutions dont ils sont l'objet à ?cause de leur religion ou de leur opposition au régime. Ils n'ont le choix qu'entre le camp de concentration et l'exil. Tel est le cas de Steiner, évadé d'un camp, et du jeune Ludwig, à demi juif par son père et de ce fait déchu de la nationalité allemande. Par malheur, les pays voisins sont loin de se montrer des terres d'asile accueillantes : dans l'Europe moderne, un homme sans papiers n'a pas d'existence légale, le drame étant qu'il continue à vivre. Un émigré est un mort en sursis, dit Steiner dont l'odyssée et celle de Kern évoquent avec une puissance et une vérité poignantes une période noire de notre histoire contemporaine.