Les Odes. La Belle Dame sans merci
Au printemps 1819, Keats compose six de ses poèmes les plus célèbres. Il s'agit de ses fameuses odes, pièces tout à la fois allégoriques, narratives et descriptives. Bien que chacune résonne avec un accent qui lui est propre (et l'on peut bien préférer l'Ode à une urne grecque, véritable voyage rythmique, à l'ode Sur l'indolence, parent pauvre de la précédente dont la valeur hautement parodique demeure remarquable), elles font toutes parties de cette quête esthétique obsessionnelle qui, chez Keats, se poursuit sur le mode de l'intensité maximale. Reprises incessantes des thèmes de l'amour, de l'ambition et de l'art, les trois fantômes de l'Ode à l'indolence, réaffirmations de la menace de mort, elles sont toutes empreintes d'une acuité sensuelle douloureuse et forment à elles seules l'essentiel du projet poétique de Keats. Mises en scène d'un geste en cours, elles s'épanouissent dans la tension et sont autant d'étapes de la recherche en mouvement perpétuel. Qu'elles soient dédiées au rossignol, à l'urne grecque ou à Psyché, qu'elles méprisent l'indolence, qu'elles vénèrent l'automne ou craignent la mélancolie, les odes keatsiennes portent en elles les images de la suspension, confirmant par là qu'il ne saurait y avoir de terme à cette poésie, inachevée bien qu'accomplie au plus haut point. --Sana Tang-Léopold Wauters