Leçons de Francfort
En 1959, Ingeborg Bachmann inaugure la chaire de poésie qui vient d'être créée par l'Université de Francfort pour donner chaque année à un écrivain de langue allemande la possibilité d'exposer son " art poétique ". Ingeborg Bachmann, en choisissant d'écarter d'emblée les questions trop bruyantes de la sociologie, comme celles trop réductrices ou trop extérieures des sciences de la littérature, opte pour une troisième voie, la plus difficile mais la plus urgente, celle de l'expérience poétique elle-même. Qu'il s'agisse du maniérisme de la nouvelle poésie allemande, de la place du narrateur et du progressif effacement du nom du héros dans le roman, ou de l'actualisation de l'oeuvre, l'auteur revient chaque fois à cette problématique : comment produire par un nouveau langage quelque chose de nouveau qu'on puisse appeler réalité. A la philosophie du langage de Wittgenstein et à sa trop lapidaire formule : " ce dont on ne peut parler, il faut le taire ", Ingeborg Bachmann oppose les utopies réalisées que sont les oeuvres, à partir desquelles il nous devient possible, juste un instant, de repousser les frontières du monde.