Le temps sauvage
L'action dramatique prend son origine dans l'attitude hautaine et défiante d'Agnès Joncas, une mère de cinq enfants, installée depuis longtemps dans la montagne, en retrait du village voisin. C'est de là-haut, avec son mari François, qu'elle entend prendre sa revanche sur le sort que lui a réservé la vie. Pour Agnès, le visage du malheur s'est manifesté un jour de façon déconcertante sous les traits innocents de sa jeune sœur Nathalie dont elle avait la charge depuis la mort des parents, et qu'elle choyait pourtant comme sa "fille première-née". La "belle Nathalie" lui volera son amant, la laissant seule avec sa peine. Marquée d'un signe par son physique ingrat, elle se reconnaîtra alors dans l'infortune d'un jeune boiteux, François Joncas, qui l'avait toujours suivie partout "comme un chien perdu que l'on chasse et qui s'obstine". Ils s'épouseront et iront vivre en marge de la société.
En révolte contre Dieu, l’Église et toute sa ratiocination pour justifier a posteriori l'injustice du monde, Agnès entend bien soustraire ses enfants à sa condition de "forçat innocent" avec son lot de peines, de soumission et de culpabilité. Forte de son autorité sur des vies qu'elle dispute à Dieu - puisqu'elle croit encore au Christ - , Agnès Joncas s'obstine et s'enivre dans son refus de la grâce en "accumulant les péchés sur sa tête et sur celle de ses enfants". D'où l'image de démon qui lui est attribuée à deux reprises au cours de la pièce.