Depuis les Écrits intimes de Stendhal, beaucoup de chemin a été fait par les écrivains pour explorer les secrets, les souterrains de la vie d'un homme. Après Les Confessions de Rousseau et les récits de Rétif de la Bretonne, quelques masques étaient déjà tombés, mais aujourd’hui la nudité est à la mode, nouveau masque d'une vérité qui se dérobe toujours, parce qu'on la mutile en la séparant de ce qui, dans la vie, ne se sépare pas. Tentant de renouveler, de fond en comble, cette expérience fascinante, irremplaçable mais dangereuse, qui consiste à dire des choses nouvelles à partir de sa propre vie, un écrivain français contemporain doit faire autre chose que tous ses prédécesseurs.

Romancier, poète et critique, mais aussi partisan d'un individualisme ouvert aux courants révolutionnaires sous-jacents de la société, Alain Jouffroy dans ce Roman vécu, a voulu lier ce qui ne se concilie, ne se mélange pas: l'enfance, les rêves, les choix politiques, la lutte contre la jalousie et la culpabilité, les femmes désirées, aimées, perdues, retrouvées, les changements de la pensée, les jeux répétitifs de l'inconscient et la chance, l'opéra du bonheur de vivre. Avec la plus grande sincérité, le ton le plus naturel, le plus proche possible de la parole, il a donc écrit cette autobiographie comme il eût écrit un roman, ou plutôt une série de romans enchevêtrés les uns dans les autres. Brisant la chronologie, il ne s'est interdit ni de rêver, ni de réfléchir, ni de se contredire. Hanté par les questions que lui posait chaque événement de sa vie, il a fait de l'ensemble des trois livres qui composent le Roman vécu un "chant général" où les femmes jouent le rôle dominant et où sa propre histoire se lit comme une Odyssée du quotidien: celle de la liberté d'un individu pendant les cinquante dernières années du XXè siècle.

Le Roman vécu a été écrit pour guider ses lecteurs, ses lectrices à vivre, à rêver, à aimer le roman inconnu de leur propre existence.

Ed. Robert Laffont, 1978. Fort volume in-8 br. E.O. 1/25 ex. num sur vélin chiffon de Lana, seul grand papier. n.c.