Le miroir du calligraphe
Comme tous les enfants chinois, Shan Sa fut initiée à l’art des idéogrammes par ses maîtres d’école. Mais cet apprentissage ne se fit pas sans douleur, la petite fille d’alors refusant de se laisser enfermer dans les règles figées d’un art millénaire. Elle rêvait déjà de liberté ; l’écriture et la peinture lui ont ouvert cet espace. Le langage poétique devint, dès lors, le lieu où elle exprima ses émotions ; la peinture, le lieu où elle nourrit son imaginaire. Sa passion pour le dessin fut encouragée par sa grand-mère, un personnage romanesque à sa manière, qui, après avoir consacré sa vie à la politique, décida de devenir peintre. Aujourd’hui, Shan Sa se souvient des longues séances où elle assistait, auprès de cette aïeule si singulière, à la naissance de montagnes, de jardins, d’oiseaux… Elle se souvient de l’odeur de l’encre fraîche, des forêts de pinceaux dans les grands pots, du sentiment de recueillement qui régnait dans le salon transformé en atelier. En réunissant dans ce beau livre trois aspects de la création – littérature, peinture et la calligraphie –, Shan Sa nous offre une large palette de ses talents. Les images d’enfance, les impressions de voyage, les sensations affectives, les passions amoureuses lui inspirent des mots, des calligraphies, des lavis. Ses textes, qu’ils revêtent comme ici la forme du récit autobiographique, de la nouvelle onirique, du poème ou de l’aphorisme, sont tout autant empreints de douceur que de violence. Ses encres et ses peintures, nées d’un jeu subtil du noir et du gris ou d’une recherche sur les couleurs vives, oscillent entre tradition chinoise et modernité occidentale. Mais tout est lié dans l’œuvre de Shan Sa. Tout émane d’un même geste, d’une même respiration, où ombre et lumière, vide et plein se rejoignent.