Si impérieux que soit le sentiment qui le pousse vers Aksinia, la femme de leur voisin et ami Stépane Astakhov, si redoutable que puisse être la colère de Stépane ou celle de son propre père Pantéléï Prokofiévitch Mélékhov, Grigori ne songe pas un instant à quitter Tatarski, son village natal, et l'horizon infini de la steppe où le Don roule ses eaux paisibles près de la ferme familiale. D'ailleurs, ne lui faut-il pas accomplir l'an prochain le service militaire que tout jeune Cosaque doit au tsar de Russie ?

Non, plutôt que de rompre avec cette vie qu'il aime pour s'enfuir avec Aksinia comme elle le souhaite, il accepte de se marier avec Natalia Korchounov. Il découvre vite qu'il ne peut pas se passer d'Aksinia et, cette fois, c'est lui qui propose de partir. Un faux pas d'Aksinia le rejette vers sa femme et la guerre éclate en 1914, l'emportant vers le front.

La révolution, qui renverse le tsar en 1917 puis le socialiste Kérensky au profit des Bolchéviks conduits par Lénine et Trotsky, trouve les Cosaques d'abord fidèles au tsarisme, ensuite tentés par l'indépendance. Grigori est de ceux qui combattent successivement six ans durant l'ennemi extérieur, puis l'ennemi intérieur dans une lutte désespérée pour avoir le droit de vivre tranquilles sur leur terre -lutte qui s'achève par la défaite devant l'emprise soviétique en 1922. Aksinia n'a jamais cessé d'aimer Grigori et lui ne pense qu'à elle tout au long de cette longue suite de batailles contre la mort, la vermine, le typhus, la faim, que représente la grande épopée cosaque magistralement évoquée dans Le Don paisible.