Un robot géant fait irruption dans la ville et entreprend de la détruire. Privés de leurs repères, écrabouillés les uns après les autres, les habitants tentent d’échapper à la peur en invoquant les remèdes de l’âme et de la raison que sont la justice, la solidarité, la foi ou la science. Le doute et l’inquiétude finissent par gagner le pilote de la machine lui-même, un savant fou pressé par son frère moralisateur de donner un sens à son geste. Mais, à quelque distance du champ de la destruction, certains savent garder la tête froide, conscients des enjeux économiques et politiques soulevés par cet événement. Qui sait si l’angoisse des uns n’entre pas comme fluide moteur dans la froide mécanique du calcul des autres ?

Dans La Mécanique de l’angoisse, Fabrice Erre livre une ville à un robot destructeur. Du savant fou avide de pouvoir au maire qui pense à sa réélection, de l’armée désireuse de technologie aux assureurs effrayés par le manque à gagner, en passant par les constructeurs voyant l’aubaine, le récit est constitué d’une succession de saynètes qui s’emboîtent et forment un tout cohérent. Si les motivations de chacun des personnages sont diverses, tous questionnent sur la même chose : comment la peur réussit à devenir collective et, surtout, à qui profite t-elle ? La force de Fabrice Erre est de traiter cette lourde question sans didactisme ni simplisme, mais avec un humour salvateur. Face à l’inquiétante sensation d’actualité qui se fait sentir au fil des pages, Fabrice Erre – loin d’une plombante adaptation de la Psychologie des foules – réussi un mélange de rire et de subversion éclatant.