La légende dispersée
Ceux que la littérature romantique allemande passionne n'ont sans doute pas oublié cette anthologie publiée en 1976 et salueront sa réédition. Vingt-cinq ans après, on redécouvre ? avec émerveillement parfois ? une vivacité de ton, une audace et une hauteur de vue bien éloignées des radotages soporifiques et scolaires souvent de mise en pareil cas. Car Bailly fait montre ici d'une ambition réconfortante : il s'engage, risque des opinions, des formules, et ne déploie son érudition que pour la faire accoucher d'un enfant bien vivant. Dûment replacé dans son contexte politique, sociologique, philosophique, chaque auteur reçoit comme son épitaphe, éclairée par une réelle poésie, une délicatesse, un sérieux et un respect absolu de la mémoire. On pouvait craindre le pire avec de si brefs extraits ? quelques textes, quelques poèmes pour des titans comme Hölderlin ou Novalis ?, mais ils sont si intelligemment choisis que la vie, l'intensité tragique et lumineuse des ?uvres explosent, à côté de quelques découvertes stupéfiantes comme les fragments de Karoline von Günderode, ou le bouleversant hommage de Waiblinger à Hölderlin. Un précieux livre de chevet, qui complète bien utilement l'anthologie de La Pléiade. --Scarbo