La démocratie post-totalitaire
Est-ce de la dictature des marchés que souffrent aujourd'hui nos sociétés ? L'opposition au processus mondial de libération des échanges et la dénonciation des effets de déréglementation qu'il entraîne sont devenus le nouvel horizon de la critique sociale. Le monde n'est pas une marchandise. Certes. Mais devons-nous imputer à la seule logique marchande et financière le malaise qui caractérise le tournant de siècle de nos sociétés ? La crise de l'État-providence, les tensions dans les domaines de l'enseignement, de l'écologie, de la santé ou de la culture sont-ils la manifestation d'un totalitarisme libéral ? Jean-Pierre Le Goff récuse cette analyse grossière, encore tributaire de l'économisme qu'elle dénonce. Sa mise au point passe par le rappel des positions d'Hannah Arendt sur le phénomène totalitaire (Les Origines du totalitarisme) et des travaux de Claude Lefort sur la démocratie (L'Invention démocratique). Soucieux de ne pas tout confondre, l'auteur préfère parler, reprenant le titre d'un de ses précédents ouvrages, de "barbarie douce" (La Barbarie douce. La modernisation aveugle des entreprises et de l'école) pour qualifier l'idéologie de la modernisation qui entraîne aujourd'hui les sociétés dites "avancées" dans un dynamisme aveugle menaçant dangereusement leurs fragiles équilibres intérieurs.En prenant position sur l'état de la situation politique et sociale de la démocratie française, l'ouvrage se situe, avec beaucoup de clarté, au cœur d'un passionnant débat qu'aucun citoyen responsable n'a le droit d'ignorer.Pour approfondir : Luc Boltanski, Eve Chiapello :Le Nouvel Esprit du capitalisme ; Christophe Dejours :Souffrance en France ; Ignacio Ramonet :Géopolitique du chaos.--Emilio Balturi