La barbe : La politique sur le fil du rasoir
Excédé des railleries sur sa barbe, l'empereur Julien écrit en 363 une satire, le Misopogon, autrement dit « l'ennemi de la barbe », destinée à la population christianisée d'Antioche. Plutôt qu'une attaque frontale, Julien traite le sujet à rebrousse-poil et se moque de « ce menton de bouc, que je pourrais, je pense, rendre lisse et net, comme l’ont les jolis garçons ». Il admet que « la barbe doit être une gêne: elle interdit d’imprimer lèvres nettes sur lèvres lisses ».
Au IVe siècle, la barbe d’un empereur faisait donc polémique. En d’autres temps, elle aurait eu un succès fou. La barbe est une arme politique complexe. Bien taillée et à la mode, elle est redoutable. Anachronique, elle est un fardeau.
Julien, avec sa barbe en bataille, n’était pas de son temps. Il n’est pas non plus du nôtre, où le glabre et l’épilé gouvernent: nos politiques ont cessé d’être poilus. Pour autant, la barbe a-t-elle vraiment perdu sa place en politique? Est-il inenvisageable qu’un barbu accède à la présidence? Julien, longtemps surnommé l’Apostat, a des atouts pour faire une belle carrière en politique: il a intrigué les plus grands – Montaigne, Ibsen ou encore Yourcenar –, il a l’expérience de violentes attaques contre son physique et il a réfléchi à la place des poils qui poussent le visage, sur le menton et sur les joues des hommes politiques. Voilà l’occasion d’un échange foisonnant d’anecdotes piquantes, à travers les siècles, d’une discussion à laquelle participent des intervenants de tout poil.
La politique de la barbe ou la barbe en politique: le matin, devant la glace, est-il raisonnable qu’un candidat à la plus haute magistrature puisse penser à autre chose qu’à la lame qui caresse sa joue? Un rasage sans concentration conduit à la balafre. Faire de la politique, c’est séduire. Le barbu peut-il séduire? Bref, faut-il être l’ennemi de la barbe en politique?