La Tour d'ébène
J’envie les gars de votre âge. Si les filles avaient été comme ça dans ma jeunesse …
- Je croyais que celles des années vingt étaient plutôt éblouissantes ? »
Il leva sa canne et protesta, indigné :
« Foutaise, mon vieux. Vous n’avez pas idée. On passait la moitié de son temps à leur faire écarter les jambes et l’autre d’avoir à regretter d’y avoir réussi. Ou bien une putain vous donnait la vérole. C’était une vie de chien. Je me demande comment on supportait ça. »
Mais David n’était pas convaincu, il savait bien que le vieux ne souhaitait pas le moins du monde le convaincre et qu’il ne regrettait rien sinon l’impossible : une nouvelle vie. Son corps vieilli retenait quelque chose de l’ancienne ardeur sexuelle ; même s’il n’avait jamais été particulièrement beau il y avait sûrement en lui un élan irrésistible, une fureur, comme un défi constant à la monogamie. On pouvait l’imaginer essuyant avec indifférence multiples rebuffades ; d’un égoïsme monstrueux, au lit comme hors du lit ; un être déraisonnable, ce qui était la raison pour laquelle on croyait en lui. Et à présent même ceux qui avaient refusé de croire se retrouvaient confondus. Il avait fini par obtenir, la réputation, la richesse, les femmes, la liberté d’être e¬tement ce qu’il voulait être ; son égoïsme s’ornait d’un halo.