La Suisse lave plus blanc
Les comptes bancaires suisses seraient-ils en passe de devenir transparents quant à l’origine de leurs propriétaires et des fonds qu’ils renferment ?
C’est ce que pourrait laisser penser la récente décision de la Commission fédérale des banques suisses (la CFB) qui enjoint désormais aux banques helvétiques de ne plus accepter l’anonymat pour les comptes bancaires, à compter du 1er juillet. Le formulaire « B » du règlement de la CFB qui doit disparaître cet été, permet en effet aux gérants de fortune, sociétés fiduciaires, notaires et avocats, de garder secrète l’identité de leurs richissimes clients auprès des banquiers. En vertu d’une circulaire datée du 25 avril dernier ce formulaire est désormais considéré par les autorités suisses, comme incompatible avec les nouvelles dispositions pénales sur le « défaut de vigilance » en matière d’opération financière, entrées en vigueur le 1er août 90 après les nombreux scandales politico-financiers qui ont secoué le pays ces dernières années (on se rappelle en effet la démission du ministre suisse de la justice - Elisabeth Kopp - en décembre 88 alors que son mari était compromis dans une affaire de narco-trafiquants).
Depuis cette date, le blanchiment de l’argent, issu du trafic de la drogue, est - du moins dans les textes - devenu un crime au regard de la loi helvétique.
Pour autant, cette modification va-t-elle empêcher les trafiquants de tout poil de blanchir leur argent sale en Suisse ? Ce n’est pas l’avis de Jean Ziegler, député suisse, qui considère que « les comptes numérotés » resteront pratiquement anonymes puisque leurs titulaires ne seront connus que par quelques directeurs de banques.
En effet, ce qui est présenté comme une mesure majeure destinée à lutter contre le trafic de drogue au niveau international, n’est ni plus ni moins qu’un « ravalement de façade » sans grande portée.
En effet, si les banques seront désormais tenues de connaître le nom de leurs déposants, elles ne devront les divulguer qu’en cas de demande précise d’entraide judiciaire par la justice d’un pays étranger et seulement si le délit dénoncé est puni par la loi suisse.
Or, dans le plus riche paradis fiscal du monde, ni le blanchiment des trafics d’armes ni l’évasion fiscale dans un autre pays, pour ne citer que ces deux exemples, ne sont passibles de quelque peine que ce soit. De plus, il est bien connu les moyens sont nombreux pour les trafiquants de changer des revenus accumulés grâce au trafic de cocaïne ou d’héroïne en stocks d’armes, en lingots d’or ou encore en formidables complexes immobiliers.
Par ailleurs des eÎptions à la règle viennent encore s’ajouter à cette panoplie de possibilités laissées à la disposition des « gros bonnets ». Afin, nous dit-on, de respecter le secret professionnel des avocats et des notaires ceux-ci pourront refuser de décliner l’identité de leurs clients en cas de : paiement d’avances ou de frais de procédure, de valeurs relatives à un partage successoral, de valeurs relatives à la liquidation en cours d’un régime matrimonial ou pour certains comptes bloqués.
Voilà qui limite singulièrement la portée d’une mesure annoncée à grand fracas.