L'esprit de vengeance
Vers l'âge de dix-sept ans, quand il a commencé à vouloir devenir écrivain, Christophe Donner pressentait qu'un jour il lui faudrait écrire ce livre sur Jean Gosset, son grand-père, philosophe, héros de la Résistance, mort au camp de concentration de Neuengamme à l'âge de trente-quatre ans. Ce qu'il ne savait pas, c'est que cet homme, avec une ironie d'outre-tombe, n'allait cesser de placer ici et là, tout au long de la vie de son petit-fils, des coïncidences stupéfiantes qui seraient comme autant de signaux pour l'amener en Sicile, afin d'écrire ce livre. Le jeune écrivain est enfin à sa table, mais les fictions prévues se révèlent incapables de rendre compte d'un drame aussi bien monté ; l'écriture insolente les balaye. Alors c'est l'esprit de vengeance, celui qui n'épargne personne, surtout pas ceux qu'on aime, c'est cet esprit-là qui donnera au petit-fils de déporté l'énergie de ramener les faits, et lui-même, dans le champ promis de la vérité.