L'avenir de la nature humaine
Interrogation fondamentale sur l'éthique de la responsabilité, L'Avenir de la nature humaine, le dernier essai du philosophe allemand Habermas, considère la question et les enjeux des progrès de la bioéthique et de l'eugénisme à la fois du point de vue scientifique et moral. Habermas, en rupture de ce point de vue avec une large part de la critique, laquelle se montre soit alarmiste, soit très moralisatrice, essaie de reconnaître et de penser le progrès scientifique en matière de biologie moléculaire comme une chance qu'il faut saisir? à condition qu'elle n'entrave pas notre destin d'homme. L'intérêt de la pensée d'Habermas tient toujours dans cette tension, à savoir que le progrès est bon lorsqu'il ne se substitue pas à notre liberté de choix. Quid de la liberté, du sujet autonome dans ses actions et dans ses décisions si son génome humain a été préalablement choisi, calibré, voulu par autrui ? Quid d'une société qui jouerait impunément d'un "eugénisme libéral" sur un modèle réglé par l'offre et la demande ? À partir de ces questions, Habermas repense le concept d'égalité. Le fait eugénique remet en cause l'idée d'égalité juridique puisque c'est notre singularité même qui se trouve menacée. À vouloir changer l'aléatoire de la nature, ce qui fait que fondamentalement nous sommes tous uniques et différents, nous risquons de détruire le concept d'égalité, ciment politique et moral de la démocratie. --Denis Gombert