L'animal
J'ai connu Cyril en 1982. Je le revois dans le bureau sur cour, que l'on m'avait aménagé chez Grasset. Un grand garçon mince et brun, vêtu à la diable d'un tee-shirt et de jeans, avec une boucle à une oreille. Une allure de voyou et un visage d'ange avec ses yeux noirs vifs et brillants, ses fossettes d'enfant et son sourire de lumière. Il m'apporte des textes - un texte composé plutôt, L'Animal, écrit en une prose poétique. Quand je relis L'Animal aujourd'hui, au début de 1994, je comprends à la fois pourquoi j'ai refusé de publier ce manuscrit d'un auteur inconnu et pourquoi j'ai été fascinée par les promesses qu'il contenait. Il annonçait, par éclats, ce qui allait devenir un univers. Refus romantique des compromis : "Je crache, je dégueule cette mélasse de sucre blond et toutes ces demi-mesures, demi-art, demi-drogues, demi-folie, petite bourgeoisie, appartements aux murs de fleurs imprimées." Sexe et violence ; sperme et sang : réalités inséparables. L'ange sauvage, ange déchu. Un monde enfiévré par le désir et les rencontres. Et l'appel au verbe, seul salvateur : "Alors il faut écrire.