L'Excision de la pierre de folie
Jean-Pierre Spilmont, poète et romancier, nous donne à voir, à comprendre, à entendre presque, une peinture « effroyable », L’Excision de la pierre de folie, copie ancienne d’une œuvre de Pieter Bruegel peinte vers 1557 et exposée au musée-hôtel Sandelin de Saint-Omer. Si cette peinture se situe à part dans l’œuvre de Bruegel, elle est pourtant au cœur de ses préoccupations, celles où l’homme reste maître de son destin. Spilmont, d’ordinaire poète du silence, se fait l’interprète d’une scène où règnent la douleur et l’effroi, où science et superstition semblent se mesurer. Originaire de Savoie, l’auteur, par le genre de l’ekphrasis, entre en communion avec ce peintre nordique qui à deux reprises traversa les Alpes et les sublima dans des paysages puissants et majestueux.
On connaît peu de choses de la vie de PIETER BRUEGEL dit L'ANCIEN. Il naît vers 1528 dans le Brabant septentrional (Pays-Bas actuels), terre des Habsburg. Il fait son apprentissage chez Pieter Coeck van Aelst à Anvers et en 1551 intègre la guilde des peintres de Saint-Luc à Anvers. L’année suivante, il entreprend un voyage en Italie en passant par les Alpes, périple d’où il ramènera des paysages qui marqueront toute son œuvre. Il ne se détourne que progressivement de la gravure pour se consacrer à la peinture ; en 1562, alors qu’il s’est installé à Bruxelles, il peint La Chute des anges rebelles et à partir de 1565, le cycle des Mois. Au même moment, la situation politique et religieuse s’envenime en Flandres : les Pays-Bas refusent la hausse des impôts imposée par les Espagnols, tandis que les fanatiques religieux sévissent partout en Europe. L’oeuvre de Bruegel est souvent comparée à celle de Hiéronymus Bosch, le dernier « primitif » : elle symboliserait davantage les grands principes humanistes qui placent l’homme au cœur de ses actions et de fait, les personnages des tableaux de Bruegel prennent vie au-delà de leur dimension religieuse et se soumettent aux rythmes de la nature. L'Excision de la pierre de folie appartiendrait à la première partie de sa carrière. Lorsqu'il meurt en 1569, l'atelier de Bruegel à Bruxelles était florissant et il est donc possible que l'oeuvre ait été copiée par l’un de ses disciples. On pensait autrefois que la folie était due à la présence d'une pierre dans la tête, que le rôle du chirurgien consistait à enlever. Bruegel voulait-il dénoncer, à travers la causticité de la scène, la gravité de cette pratique barbare, ou se laissa-t-il lui-même aller à un vent de folie ?