Je me souviens de tous vos rêves
L'automne en Provence est limpide et bleu, ce n'est pas une saison, c'est un fruit : les touristes sont partis, la nature exulte dans une profusion de couleurs et d'odeurs. Mais si l'écrivain flâneur célèbre avec sa sensualité coutumière Manosque et la campagne provençale, il est avant tout attentif à ceux qui vivent dans les recoins de la société, les pauvres, les fous, les errants dont il se sent frère, et dont il parle sans apitoiement. Il y a Pierre, maigre silhouette traînant sur les petites routes chaque matin pour y photographier tous les rebuts qu'il trouve. Ou les co-inculpés d'un procès à Digne dans lequel l'auteur a été jadis impliqué : le spectacle judiciaire est un morceau de bravoure. On trouve aussi un magnifique portrait de Joël Gatefosse, célèbre libraire de Banon, qui a transformé la minuscule librairie du village en une étonnante cité de mots, de rêves et de rencontres... avant de faire faillite. Une émotion sincère et simple vibre dans chaque page, qu'il s'agisse de raconter la mort d'un chat ou la surprise d'entendre une femme qui jouit dans la maison d'à côté. Les femmes sont ici très présentes, que ce soient les servantes d'auberges longuement contemplées, ou Isabelle, " la fiancée des corbeaux ", auprès de qui l'écrivain trouve paix et bonheur. Ou encore la femme du facteur : son mari est si fier de sa belle poitrine qu'il vient un jour apporter à René Frégni une photo de ses seins, afin qu'il les place dans un de ses livres. C'est désormais chose faite.