Henri, chienne de vie !

Jean Marc Mathis

Henri, chienne de vie !
79 pages
Popularité
Popularité du livre : faible
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3.17
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Henri est un mineur au pays des adultes (majeurs) ce qui n’est pas facile comme chacun sait (les mineurs comme les majeurs). Les relations y sont vivantes, c’est-à-dire douces et brutales. Henri en apprend tous les jours, c’est un vrai mineur qui aspire au majeur. L’âge bête enveloppe largement les 7 comme les 77 ans et ce qu’il y a entre les deux. D’où frustrations mineures mais aussi bonheurs majeurs que nous évoque le Mathis majeur.

Les adultes sont des gardes fous, une sorte de mètre étalon soumettant l’infini de l’enfance. Si on ne sait pas encore bien compter, les majeurs (adultes) talochent quand les limites sont franchies et donnent des bombecs qui collent aux dents quand les bonnes mesures sont là. C’est simple mais c’est pour ça que c’est compliqué, alors Mathis le majeur va au fond des détails mineurs.

Par exemple : Mathis a pour prénom Jean-Marc et pas Henri. Mais comme il y a homonymie du nom avec le célèbre (mais mort) Henri de l’art majeur (peinture), Mathis le vivant de l’art mineur (bande dessinée) s’en est amusé, n’est-ce pas une preuve (majeure) de finesse ?

Le lien art majeur (n°1) et celui avec l’art mineur (n°9) ne fait alors que s’ébaucher. Mathis a un style majeur inspiré de la figuration libre des années 80, mouvance de l’art majeur. Mais il en fait disparaître les impasses, en en s’en servant dans l’art mineur. Art majeur vers art mineur, une translation qui dans ce sens est plutôt rare. Il y avait bien eu Pellaert dans les années 60, mais il se revendiquait lui même comme peintre donc de l’art majeur, tandis que Mathis lui se revendique de l’art mineur (la bande dessinée), ce qui n’est donc pas pareil. Henri est donc, aussi, une taloche (mais mineur) de la part d’un artiste de l’art mineur (à mon avis majeur), aux pilleurs de l’art mineur (ceux de l’art majeur), réguliers depuis Lichenstein.

Majeur, mineur, tout cela n’est question que de position que ce soit dans l’échelle des arts (graduée de 1 à 9) ou l’échelle des âges.

Henri mélange tout ça, et montre du doigt (le majeur) le vrai visage de l’adulte (le majeur). Il fait donc sur le mode mineur un portrait de sa maîtresse digne du Mars et Venus de Botticelli (de l’art majeur). Mais étant mineur il n’en comprend pas bien le(s) sens (majeur), il recevra donc une taloche pour n’avoir pas fait d’iconologie. Episode mineur ou majeur ? En tout cas, pour majeur et centré sur le dessin d’un mineur dans un art mineur ; il faut donc être adulte (majeur) pour comprendre Henri, surtout que l’autobiographie est là, latente.

Eh oui ! Mathis est majeur depuis ses 18 ans comme tout le monde ! Il évoque donc son enfance de mineur (avant ses 18 ans) qu’il a eu comme tout le monde. Mais Mathis étant pudique et ne s’appelant pas Henri, il met beaucoup de voiles sur cette dimension autobiographique, et l’enveloppe de dessins mineurs. C’est à nous, lecteur et lectrice bien aimée, de faire la part des choses mineures, de chercher les indices.

Nous touchons là un des détails majeurs de cet album où l’on rit beaucoup caustiquement et tendrement. Plusieurs modes de lecture (majeurs ou mineurs) s’offrent à nous et c’est ça qui est bien (majeur).

Au total, une belle osmose pas mineure car pas facile, d’un artiste majeur (number ouane) dans un art mineur (number nine). De l’anglais entre parenthèses pour les bookmakers (faiseurs de livres), Mathis est bien parti pour franchir la ligne d’arrivée malgré son handicap (rigolo de la revue (mineure) Psikopat) que lui ont collé certains mineurs de l’art mineur.

Et quand Henri de l’art majeur disait avant volupté : « luxe, calme », Henri, de l’art mineur nous susurre, avant le même mot : « simplicité, désordre ».

source:paquet

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